La chimie et l’exobiologie s’exposent sur la Station Spatiale Internationale
Mercredi 23 Juillet 2014 à 23h00 (heure française), le vaisseau cargo russe PROGRESS M-24M a décollé du cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan) pour rejoindre la Station Spatiale Internationale. A son bord seront embarqués les échantillons de l'expérience PSS (Photochemistry on the Space Station). Ils ont ensuite été installés à l'extérieur de la station sur la plateforme de l'agence spatiale européenne (ESA) EXPOSE-R2 lors d'une sortie de deux cosmonautes le 18 Aout.
« Entre le mois d'Aout et Octobre, il ne se passera pas grand-chose, déclare Hervé Cottin (LISA/UPEC-UPD-UMR CNRS), responsable scientifique de l'expérience. Pendant environ deux mois, la plateforme sera protégée par un couvercle, le temps que toute l'infrastructure d'EXPOSE se stabilise. Puis, en Octobre, deux cosmonautes vont à nouveau sortir pour retirer le couvercle de l'expérience. Nos échantillons recevront alors leurs premiers photons ! »
La plateforme d’exposition EXPOSE à l’extérieur de la Station Spatiale Internationale. Crédit Photo : NASA
PSS est une expérience d’astrochimie et d’exobiologie, sélectionnée par l’ESA, et soutenue financièrement en grande partie par le CNES, le CNRS, ainsi que les universités et organismes partenaires. Son objectif est d’étudier le comportement de molécules organiques (composées de carbone, hydrogène et éventuellement azote et oxygène) lorsqu’elles sont soumises aux conditions spatiales, notamment les rayonnements solaires qui sont difficilement simulables en laboratoire (en particulier le rayonnement UV pour les longueurs d’ondes inférieures à 200 nm). Il s’agit de comprendre quels mécanismes chimiques sont à l’origine de l’évolution de la matière organique présente dans le milieu interstellaire, les comètes et les astéroïdes carbonés, l’atmosphère de Titan, ou encore à la surface de Mars. Quelles molécules sont susceptibles d’être présentes, ou bien d’être rapidement détruites ou transformées ? Il y a un intérêt exobiologique très fort à caractériser cette chimie. En effet, par exemple, on pense à l’heure actuelle que l’évolution chimique qui a conduit à l’apparition de la vie sur notre planète il y a plus de 3 milliards d’années a pu en partie être initiée par l’apport de molécules organiques lors d’impacts de météorites et de comètes. Ces « ingrédients » ont contribué à ce qu’on appelle la « soupe prébiotique » dans les océans de notre planète, et pourraient avoir eu un rôle chimique crucial.
Mais ce n’est pas tout. Dans quelle mesure la chimie des comètes peut-elle être un héritage de la chimie du milieu interstellaire ? Quels sont les mécanismes chimiques qui initient la chimie extraordinairement complexe de l’atmosphère de Titan ? Quelles sont les molécules les plus stables à la surface de Mars, et donc les plus susceptibles d’être détectées par le rover Curiosity ou bien le futur robot Européen Exomars ? L’expérience PSS apportera des données quantitatives pour aider à répondre à ces questions.
« Ce genre d’expérience en orbite terrestre existe depuis la fin des années 1990, commente Hervé Cottin. Par exemple sur la Station Mir, les capsules russes Foton… Et c’est la troisième fois que nous nous installons sur la Station Spatiale Internationale depuis 2008. A chaque fois nous apportons des améliorations à nos protocoles de préparation d’échantillons, nous changeons de molécules, et nous améliorons nos dispositifs d’exposition. Par exemple, exposer en orbite des mélanges de gaz pour simuler l’atmosphère de Titan a nécessité beaucoup de travail. On ne peut pas se permettre la moindre fuite, au bout de plus d’un an dans l’espace, il ne resterait rien lors du retour sur Terre. Ce n’est pas si simple… et si l’on commet une erreur, on ne peut pas se dire : tant pis, je recommence demain ! Au total, entre les échantillons qui partent dans l’espace et les différents contrôles au sol, c’est près de 400 échantillons qui ont été méticuleusement préparés depuis quasiment un an».
L’une des originalités de cette nouvelle campagne est le test de la stabilité de biopuces aux conditions spatiales. Ces capteurs seront peut-être le cœur d’une nouvelle génération d’instruments spatiaux qui traqueront la présence de la matière organique dans le système solaire. PSS est en quelques sortes leur baptême spatial. Si les biopuces résistent et conservent leur capacité analytique à leur retour, il y a fort à parier que beaucoup de nouveaux instruments spatiaux d’analyse in-situ verront le jour dans les prochaines années.
La fin de l’expérience est prévue fin 2015. Les échantillons reviendront sur Terre et seront analysés en détail dans les différents laboratoires partenaires.
Intégration des échantillons de l’expérience PSS au LISA - Crédit photos : UPEC / Nicolas Darphin
Intégration des échantillons de l’expérience PSS au LISA - Crédit photos : UPEC / Nicolas Darphin
Intégration des échantillons de l’expérience PSS au LISA - Crédit photos : UPEC / Nicolas Darphin
Laboratoires partenaires :
LISA, Université Paris Est Créteil, Université Paris Diderot, UMR 7583 CNRS, Institut Pierre-Simon Laplace (France)
LATMOS, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Université Pierre et Marie Curie, UMR 8190 CNRS, Institut Pierre-Simon Laplace (France)
CBM, UPR 4301 CNRS, Orléans (France)
INAF- Osservatorio Astrofisico di Catania (Italie)
IBMM, Universités Montpellier 1 & 2, CNRS, Pôle Chimie Balard (France)
Leiden Institute of Chemistry (Pays-Bas)
LAB, Université de Bordeaux, OASU, UMR 5804 CNRS (France)
LM2E, Université de Bretagne Occidentale, IFREMER, UMR 6197 CNRS (France)
CENBG, Université de Bordeaux, UMR 5797 CNRS (France)
Nasa AMES Astrophys. & Astrochem. Lab. (USA)
SETI Institute (USA)
DLR (Allemagne)
Agences Spatiales :
ESA & CNES